evergreen (kendra)

« C'est une connerie, Ivy. » Ken, catégorique, tranche net le sourire de sa sœur. Elle s'attendait visiblement à ce qu'elle lui offre son soutien, l'épaule tranquille contre laquelle elle la laisse d'ordinaire reposer son crâne de môme énergique ; Kendra, sans se départir de son expression tranquille, teintée d'une raideur qui lui est étrangère, se lève du canapé, fait quelques pas en direction du comptoir, prend son paquet de cigarettes. « Tu veux faire quoi, avec un diplôme de starlette ? Tu sais combien de filles ils voient défiler par jour, dans le monde du show business ? » Kendra les yeux baissés sort une Marlboro, insensible aux protestations comme au silence d'Ivy, dont elle sent le regard rivé droit sur sa nuque. De filles comme toi. Un vilain écho lui résonne contre le crâne ; quand elle se retourne vers sa sœur, la composition impassible de ses traits est déformée par un froncement de sourcils légers. La fumée qu'elle recrache dans l'air, enveloppant son air sérieux -son air de fille mature, comme pour marquer l'idiotie de sa cadette- fait encore illusion.

Si ça n'avait tenu qu'à elle, ce n'est pas la cigarette, mais le joint soigneusement roulé au fond de sa poche qu'elle aurait dégainé pour cette conversation.
« L'ambition est une qualité admirable, Papa serait fier de voir à quel point tu es prête à aller jusqu'au bout. Mais sérieusement, tu crois que c'est raisonnable ? Ouvre un peu les yeux Ivy, c'est ridicule. » Sa voix décortique ce dernier mot -ce dernier jugement qui n'offre aucun appel ; alors que Kendra referme la bouche, reprend son souffle, la conscience de son corps, planté là bien droit, contre le comptoir de la cuisine ouverte, des airs de déjà-vu.

Kendra est à la place de sa mère. En regardant les grands yeux d'Ivy, elle se revoit-là, plus d'une décennie plus tôt -elle se revoit ouvrir la bouche, la refermer, la rouvrir de nouveau, finalement laisser échapper les mots. Quelque chose se passe ; le sourire compréhensif de sa mère, l'oeil pétillant de fierté de son père, les vérités soufflées alors qu'elle s'entend dire le contraire : j'aimerais aller à UC Davis, Maman. Un enchaînement parfait, que Kendra, copie de son père, aurait aimé se voir répéter chez la benjamine.

Une fois seule, la fumée s'épaissit ; la silhouette de Kendra se découpe sur l'avancée de la fenêtre, débarrassée de son taille-haute et de ses grands airs. Reprendre le flambeau, s'arroger la fierté paternelle -et puis, ce n'est pas comme si elle s'était forcée, à s'occuper de ces bêtes, pas comme si elle peignait, à côté, pas comme si elle n'avait pas profité, loin de tout, en Californie...

Elle aurait simplement voulu que les Parker restent dans une même sphère, dans ce cercle familial que Kendra tente tant si bien que mal d'entretenir.

PSEUDO » fried tofu. PRÉNOM » Tiff. ÂGE » 256 ans. PAYS » France. FREQUENCE DE CONNEXION » 10/10. PERSONNAGE » scénario importé. OU AS-TU TROUVE LE FORUM ? » dans ma boîte à MP . UN DERNIER MOT ? » félicitations pour le bébé, je suis ravie d'être à bord avec vous !